• - Claude,  tu préfèrerais avoir la vérité ou bien chercher la vérité ?

    - Moi je préfèrerais continuer à chercher la vérité.

    - Mais pourquoi ? C’est pas plus simple de l’avoir une bonne fois pour toutes ?

    - Tu sais bien que la vérité on ne l’aura jamais une bonne fois pour toutes.

    - Et ?

    - Et donc, imagine : on me donne la vérité demain. Hop terminé y'a pus rien à voir circulez.

    - Et alors ?

    - Ben la vie n’est plus intéressante, si elle est finie... Tandis qu’essayer de trouver la vérité, c’est le meilleur moyen de vivre plus longtemps ou plus intensément, car on n’a jamais fini de chercher...

    - Mais si quelqu’un la trouve avant toi ?

    - Ca ne m’inquiète pas : personne ne trouvera jamais la vérité, moi pas plus que les autres, et les autres pas plus que moi. Ce sont ceux qui sont persuadés de l’avoir trouvée avant tout le monde qui partent avant tout le monde, leur vie devient sans intérêt, ils n'ont plus de rôle à jouer.

    - Tu es certain de tout ça ?

    - Non.


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  • Je me souviens qu’après la mort d'Ingrid j’ai passé une année scolaire erratique à essayer de construire quelque chose à partir des ruines de moi, je ressemblais à « Allemagne Année Zéro «, à l’intérieur de ma peau....

    J’étais un peu découragé de me refaire la vie belle, celle d’avant était tellement féérique qu’après cette explosion je m’étais aperçu que des bouts de nous deux s’étaient collés partout et que cela prendrait tellement de temps à trier pour ne garder que les miens,  puis à les recoller pour refaire un Claude potable,  que je n’avais même pas envie de commencer.

     Il y avait des bouts de nous répartis sur presque tous les trottoirs de cette petite ville, car nous y faisions souvent promenade, Ingrid et moi, soit pour le plaisir de marcher côte à côte en bavardant soit pour promener notre westie blanc.

    Au début j’ai essayé d’éviter de remettre mes pas dans le souvenir des nôtres, mais je me suis rendu compte que je ne pouvais plus aller nulle part, alors je me souviens que je me suis résigné à marcher en essayant de verrouiller la boîte à souvenirs mais que c’était très difficile.

     Dans notre poste de télévision il y avait plein de bouts de nous deux, ils continuaient à passer la série « Urgences « et Ingrid était dingue de cette série car elle aurait voulu faire infirmière autrefois et qu’elle ne ratait jamais un épisode et qu’elle pleurait tout le temps pendant la diffusion à cause de tous ces drames de tous ces gens malades qui mouraient à l’hôpital.Elle avait fini sa vie comme toutes ces personnes dont le destin lui provoquaient des torrents de larmes.Elle m’avait dit un jour que si ça m’arrivait à moi de mourir elle deviendrait alcoolique complètement, qu’elle boirait jusqu’à s’en faire pourrir le foie et péter la cervelle.

    Je lui avait dit que moi, si elle mourait, je ne survivrais pas.

    ( J’ai du mentir car je survis. )

    Il y avait des bouts d'Ingrid et moi dans la cuisine, elle avait laissé plein d’ustensiles compliqués et qui lui servaient toujours à quelque chose,  elle cuisinait tout le temps pour le plaisir, en artiste des saveurs,  elle mettait plein de temps pour juste un petit diner courant de semaine, elle te préparait ça en braillant des chansons de Jeanne Moreau ça faisait vibrer les murs.

    Quand je me suis retrouvé à préparer mes repas solitaires, je répugnais à utiliser ses outils et  j’avais opté pour un plat unique que j’appelais « mon brouet « et qui était un mélange de pois chiches, de haricots verts, de petits pois et de poisson froid que je mangeais à tous les repas en buvant beaucoup de vin et cela pendant des mois.

     A l’école il y avait des bouts d'Ingrid et moi partout, les couloirs, les classes, les murs, les plafonds, les fenêtres en étaient couverts.

    Des bouts d' Ingrid et moi dans les paroles des collègues :

    - Ca va aujourd’hui, Claude ?

    - Pas trop dur ?

    - Va falloir que tu viennes à la cave trier dans les affaires qu'Ingrid avait laissées , nous les y avons rangées...

    Il y avait des bouts d'Ingrid et moi dans les propos des parents d’élèves :  - Bon an mal an vous voyez Claude, le temps passe...

    - Vous allez de temps en temps au cimetière ? La plaque d'Ingrid est sale, faudrait l’entretenir..

    - Elle est morte d’une artère ?

    - Pauvre petit toutou qui n’a plus sa maîtresse....

    J’essayais de me laver le cerveau :

    - Bon. Ingrid est morte. Tu es tout seul faut faire avec.

    Je me souviens que « faut faire avec «, ça coinçait.

    J ’avais décidé que jamais je ne « ferais avec... « pas plus que je ne « ferais sans... «

    J’avais la sensation d’être devenu une sorte de toupie qui n’en finissait plus de tourner pour rien mais aussi une espèce de culbuto idiot qui se redressait de temps en temps et retombait au sol puis revenait à lui.

    J’étais bourré de médicaments genre « Prozac « et « Xanax « et  les enfants de l’école quand ils me parlaient je flottais dans ce titanic qui n’en finissait pas de sombrer, qui remontait à la surface, puis coulait à nouveau, puis remontait.... J'étais devenu une espèce de cachalot échoué.  J'avais donc peine à concevoir des séquences pédagogiques pour enseigner dans ma classe,  mon esprit avait du mal à se fixer sur la notion à faire acquérir,  lorsque je surveillais mes petits qui commençaient leur sieste au dortoir je m’endormais au bout de cinq minutes, réveillé par un léger coup de coude de l’atsem souriante.

     Je me souviens que je m’étais dit :

    - Ecce homo, tel est ton monde désormais.

     Ceux qu’on appelle « les proches « ont commencé tout doucement à se détacher de moi de façon imperceptible et progressive, immuable. Je me demandais pourquoi et je me le demande encore aujourd’hui mais la réponse est :

    - Parce qu'Ingrid est morte, je suppose....

    Je me faisais sourire avec cette pensée :- Tant qu'Ingrid sera morte on ne m'aimera plus.

     Je me suis mis à coucher avec plein de femmes, les unes après les autres, comme des perles qu’on enfile pour faire un collier qu’on ne portera jamais et qu’on n’offrira à personne. Cela ne soulageait rien du tout,  cela n’était pas toujours plaisant,  je me suis vite rendu compte que jamais je ne retrouverais la moindre parcelle d'Ingrid sous ces couettes multiples, dans ces repas érotiques, souvent très arrosés, dans ces parties de jambes en l’air désespérées, de mon côté, qui ne parvenaient jamais à me distraire de mon drame intérieur.

    Je me suis remis à la peinture et  cela m’a fait oublier d’essayer de rencontrer des femmes.

    Je m’étais rendu compte que je ne peignais plus comme avant. Je peignais des animaux et que ces animaux je les faisais dans un style enfantin, décoratif,  cela n’exprimait que du vide,  c’était neutre, joli, vide. Pour me débarrasser de ces toiles naîves animalières, je les avais offertes à la Tombola de l’Ecole, pendant la kermesse de fin d’année,  pour qu’elles soient gagnées et disparaissent mais je me souviens qu’elles n’avaient intéressé personne et qu’une dame qui avait gagné mon « crocodile « l’avait oublié contre un mur en partant de la kermesse. Pendant cette kermesse j’avais erré dans la foule des parents, sous le soleil, dans la cour de l’école maternelle,  l’on me serrait la main,  l’on me parlait un peu,  je trainais parmi tout ce monde et  je me sentais seul à pleurer.

    J’avais décidé alors que l’école ça serait fini. Je m’étais dit :

    - Cette fin-là au moins je peux la programmer.

     

     

     


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  • Le truc à se dire est peut-être :
    - OOOOOhh, gamins, j’ai été indispensable dans votre vie jusqu’à ce que vous preniez votre envol et ensuite je suis devenu une grosse merde négligeable !

    On fait partie de leur existence, ils ne l’entrevoient pas sans toi, mais à un moment il veulent vivre surtout sans toi, en dehors de toi, tu es effacé sur le tableau, tu n’es plus rien.
    Et cela n’est pas recréé chaque jour, cela continue chaque jour, cela dure des semaines, puis des mois, puis des années.

    Tu ne sais pourquoi et tu ne le sauras jamais.

    Et si tu cherches à savoir le silence est plus pesant encore, car de silence d’isolement et d’oubli il devient silence de bouderie, de rejet.

    Moi qui aime tant les conversations, et même les simples bavardages, voici que j’en suis privé. Ma femme parle peu, c’est moi qui parle et elle écoute plus ou moins.
    C’est sa personnalité, elle est un peu renfermée et ne sait pas trop quoi  dire quand je me plains de cette situation ridicule et humiliante dans laquelle on m’a plongé.

    Je consulte ma boite mail régulièrement, que j’attends qu’on me fasse signe sur Réseausocial, l’isolement exacerbe le besoin et plus l’isolement dure plus le besoin s’accroit.

    Ai vaguement somnolé sur un docu qui essaie de montrer que les Chinois anciens auraient découvert le continent américain avant Christophe Colomb, grâce à une expédition de grandes jonques. J’aime beaucoup le dessin des voiles, très différentes dans leur conception que celles auxquelles nous Occidentaux sommes accoutumés.
    Une espèce d’élégance, ça me fait penser à des hippocampes qui flotteraient sur la mer.

    La soixantaine, sur le plan physique, ça m’aura notamment fourni un besoin plus fort en siestes, on dirait que le vieillissement ça rend moins énergique, je savais pas, je devais m’en douter mais je ne l’avais pas encore ressenti dans ma chair.
    Ca donne une impression de plus forte vulnérabilité, la soixantaine passée, on se sent glisser tout doucement sur la vieillesse, lentement pour quelqu’un comme moi, mais sûrement.

     


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  • Alors on a envie de me dire :
    - Pourquoi tu les appelles pas ? Pourquoi tu leur écris pas ?

    Alors j’ai envie de répondre :
    - Ben quand on sollicite c’est que c’est trop tard . Je ne devrais pas avoir à le faire.

    Alors on a envie de me répondre :
    - Ce serait mieux que rien ?

    Alors j’ai envie de répondre :
    - Ben c’est juste au-dessus de « rien «, c’est presque comme « rien» .

    Alors j’ai envie de dire aussi : pourquoi est- ce qu’un homme qui vaut n’importe quel homme devrait faire sans cesse signe à ceux qui devraient s’enquérir de sa santé, de sa vie  ?

    Bon voilà j’ai pensé qu’il va falloir que je me change un peu les idées !

    Car non seulement je me sens frustré abandonné isolé oublié mais en plus on pourrait facilement pour me faire chier, me taxer de monomanie, d’idée fixe, voire de paranoïa, car ces histoires de négligence affective sont tellement complexes qu’on les retourne toujours au désavantage de celui qui en est victime, afin de ne pas avoir à s’avouer sa négligence, son indifférence, son manque de sentiments et de gentillesse, son manque d’humanité.


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  • Je me souviens que pendant des années j’ai donné des cours particuliers gratuits chez moi à des élèves en difficulté, des anciens élèves de mes classes maternelles successives qui se trouvaient avoir perdu pied petit à petit à partir du Cours Préparatoire, noyés dans les notes, noyés dans les leçons pas sues, noyés dans les dictées truffées de fautes, noyés dans les humiliations, dans le stress, dans la honte, dans la peur de mal faire, noyés dans la crainte des mauvaises évaluations, noyés dans les complexes d’infériorité .

     Je me souviens qu’ils et elles n’avaient connu que des gamelles pédagogiques, que je choisissais celles et ceux qui souvent n’avaient que la mère pour assurer à la maison, bien pauvres, bien désespérés, bien dans la crotte.

    Je me souviens que j’ai toujours préféré m’occuper des gens peu fortunés ou maudits par la vie que des nantis ou de ceux dont la vie est facilitée par l’opulence.

     Je me souviens que ces dames, ces mamans solo,  pouvaient pas payer des cours de rattrapage extra scolaire et que justement leurs gamins/gamines en avaient plus besoin que les autres.

     Je me souviens que de tous temps la vie a souvent été mal foutue pour les Terriens, qu’il y a toujours eu des gens pour avoir tout et des gens pour n’avoir rien et que moi je me suis toujours posé en adversaire de ce déséquilibre qui ne repose que sur le vol des uns par les autres.

     Qu’à chaque fois qu’une famille est richissime c’est que ses ancêtres et toutes les générations qui ont suivi jusqu’à nos jours n’ont fait que voler et voler et revoler et encore voler les autres.

     Je me souviens que c’est ce qui m’a motivé pendant des années pour donner des cours supplémentaires aux gamins de ces familles volées de tout par des salauds de riches sans coeur sans scrupules, sans conscience. Je me souviens que comme par hasard les précoces, les surdoués étaient toujours dans des familles privilégiées, qu’on ne trouvait pas de surdoués chez les pauvres parce qu’ils n’avaient pas les moyens de se faire décerner par un psychiâtre un diplôme de surdoué, une manne pour les psys.

     Je me souviens que quand j’apprenais que tel ou telle que j’avais eu tout(e) petit(e) adorable dans ma classe tiède de gentillesse, cocon protecteur contre un système glacé de réussite et d’échec, j’allais voir la maman et je lui proposais de faire ça gratos.

     Je me souviens que je prenais ma voiture et que j’allais chercher l’enfant en perdition chez lui, chez elle, que je le, que je la ramenais chez moi et qu’on travaillait deux ou trois heures les jours de congé.

     Je me souviens qu’en plus je les inscrivais à la médiathèque de la ville, car souvent chez les gens des milieux défavorisés, les parents ne songeaient pas à leur faire emprunter des bouquins, c’était pas de la mauvaise volonté ni de l’hostilité, mais ils croyaient toujours que tout était réservé aux autres mais pas à eux.

     Je me souviens que le gamin ou la gamine, comme il avait son prof ( moi ) pour lui ( elle ) tout(e) seul(e ), il ( elle ) bossait sans se poser de questions,  je me souviens que je découpais des petites étiquettes avec des mots ou des sons écrits dessus, et.c, et qu’en un trimestre ça allait déjà mieux et je me souviens que quand je sentais que l’enfant avait repris de l’assurance et commençait à aller changer tout seul ses livres à la médiathèque ( ce qui est toujours bon signe ), j’en prenais un autre qui était dans la merde scolaire et je remettais ça.

     Je me souviens que souvent la maman pour me remercier elle m’offrait en fin de parcours une boite de chocolats, que c’était de la bonne ambiance gentille et moi j’aimais ça.

    Je me souviens qu’à l’école, les instit’s spécialisés, qui travaillaient en individuel avec les enfants en perdition, venaient me faire chier : « Nous sommes là pour ça, tu nous fais de la concurrence sauvage... « et.c.

     Je me souviens qu’au lieu d’être contents que je travaille aux progrès d’un gamin, ils ramenaient des leçons de morale citoyenne sur l’Institution et des principes concons rigides et fonctionnaires. Je me souviens qu’ils me faisaient la gueule et que les autres instits aussi car leurs cours particuliers extra scolaires, ils les faisaient payer au tarif fort et donc estimaient que je chassais sur leurs terres et leur enlevais des clients.

     Mais je me souvenais de cette phrase que j’ai toujours portée en moi :

    - Ma morale se fout de votre morale.
    Je me souviens que des années après tout ça, j’avais souvent perdu de vue mes petits diables boiteux, car ça grandit vite, le temps passe vite, et d’enfant tu te retrouves homme ou femme sans t’en apercevoir, ce qui donc était leur cas.

     Je me souviens que parfois je les reconnaissais même pas quand ils traversaient la rue pour me saluer joyeusement.

     Je me souviens donc qu’un matin, des années après tout cela, avec Ingrid nous avions été porter notre petit westie blanc au toilettage, dans un salon fait pour ça.Une jeune fille inconnue de moi avait tondu soigneusement notre chien, il était tout beau tout propre et tout sent-bon, la jeune fille aussi. Je me souviens qu’elle avait les cheveux si blonds qu’ils en étaient presque blancs. Et que ses yeux étaient bleu si clair qu’ils en étaient presque extra terrestres. Et que son visage était grêlé.

     Je me souviens que ses mains étaient petites et caressantes pour mon toutou et qu’il avait apprécié car il léchait les doigts délicats de la petite toiletteuse.

     Je me souviens que cette jeune fille avait une espèce de sourire amusé en me regardant avec une espèce d’insistance malicieuse.

    - Combien je vous dois, que je lui fais.

    - Rien, aujourd’hui c’est gratos pour vous.

    - ?

     - Vous ne me reconnaissez pas ? Mélanie... Mélanie X....

    - ?

    - C’était il y a longtemps, une dizaine d’années au moins, vous m’aviez pris chez vous pendant au moins trois/quatre mois deux fois la semaine pour me rattraper en lecture...

    - Oh, c’est toi ? Mélanie ! Ah ah tu as changé, je t’ai pas reconnue. Ben tu vois je suis content, tu as un bon travail, toiletteuse pour chiens c’est bien...

     - C’est grâce à vous.

     - Ah ah tu exagères !

     - Oui, car à l’époque je trouvais que je valais rien, que j’étais une merde, les profs étaient désespérés, rien ne rentrait, et vous, de vous voir vous faire chier à venir me chercher en bagnole pour me faire travailler chez vous pendant des semaines et des semaines en prenant sur vos mercredis matins,  de voir tout ce boulot que vous aviez préparé et ces étiquettes que vous aviez découpées et de voir que vous m’emmeniez chercher des livres à la médiathèque, ça m’a donné l’impression de valoir quelque chose et après j’ai attrapé confiance en moi.

     - Oh tu sais c’était pas grand chose, en plus tu étais gentille et de bonne volonté.

    - N’empêche que le toilettage du westie, je vous en fais cadeau. Et je vous remercie pour m’avoir redonné confiance autrefois, sinon je n’en serais pas là aujourd’hui.

     Je me souviens qu’Ingrid, ma compagne qui est morte depuis,  avait assisté sans rien dire à notre petit dialogue et qu’en sortant du salon de toilettage je m’étais aperçu qu’elle avait une larme au coin de l’oeil.

    - Qu’est ce qu’il t’arrive ?

    - Ben je sais pas, ça m’a ému, cette gamine  et de savoir que tu as fait tout cela pour elle quand elle était petite et que ça a marché.

    - Oh la la, tu pleures pour des riens, tu es trop sentimentale...


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  • Dimanche 17 Mai 2015  ( Vers minuit trente du matin )


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  • Hier, n’y tenant plus, j’ai envoyé un SMS à ma fille cadette :

    « Des news ! des news ! «
    Miracle j’ai eu une réponse !
    « Oui pardon, je n’en donne jamais, je suis complètement dépressive. Les enfants et leur père vont bien. «
    Moi ( en SMS ) : « Viens à la maison, je peux venir te chercher, tu t’y reposeras ! «
    Elle : « Je vais y réfléchir mais c’est gentil. J’en parle avec mon mari «.
    Moi : « Ca ne te nuira pas, je suis abonné à un grand jardin fabuleux, je t’y emmènerai, c’est régénérateur ... «
    Elle : « Je suis contente que tu m’invites mais je ne peux pas te répondre tout de suite . On reste en contact. «
    Moi : « OK. Prends soin de toi en attendant. «
    Elle : « Idem. Des bises. «

     

    Et voilà, quelques répliques même pas sonores, juste écrites, normalement ça va en rester là jusqu'à ce que je refasse signe. C'est souvent comme ça. Elle est souffrante, elle ne m'en parle que si je demande. Je lui propose de venir se reposer chez nous.
    " On vous écrira ... "


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  • Hier, n’y tenant plus, j’ai envoyé encore un SMS, mais cette fois à mon autre fille, l'ainée   :

    « Des news ! des news ! «
    C'était le même sms que celui que j'ai envoyé précédemment à sa soeur.
    Miracle j’ai eu une réponse !

    " Ma soeur est au fond de la dépression comme de coutume. Ca durera sans doute longtemps vu la longueur de l'épisode hypomaniaque. Et vous, quelles sont les nouvelles ? "


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  • C’était un dimanche aujourd’hui, un dimanche lent et sans éclat, un dimanche où il ne se passait rien, un de MES dimanches, depuis qu’Ingrid est morte les dimanches représentent la signature de la mort, la finition du vilain travail qu’elle a fait sur notre couple.
    Ma femme travaillait à l'HP, elle commençait à six heures, retour vers quinze, ensuite elle est fatiguée elle tricote.

    J’ai décidé de me rendre à nouveau au Grand Jardin Magique, le grand jardin où je me rends au moins deux fois par semaine, pour m’y retrouver.
    Je m’attends là bas, je m’assois sur un banc, et je me laisse seul là bas, les pieds sur l’herbe bien tondue, parmi les oiseaux qui s’époumonnent, pour mieux m’y conserver.

    Aujourd’hui un tout petit évènement est venu troubler ce calme bovin, j’ai fait un selfie dans le sous bois, et tout à mon auto admiration, le portable sous le nez, entre moi et le monde, je me suis retrouvé à quatre pattes dans un fossé boueux.
    Le pantalon trempé de boue.

    Il y a un petit étang magnifique au centre de cet immense jardin, qui lui-même est fait de petits sentiers labyrinthiques, et un petit portillon de bois que je suis seul à ouvrir pour aller m’installer lire sur le banc près de l’eau.
    J’y ai lu longuement des articles sur Yukio Mishima, ce mystérieux écrivain japonais, dont on parle toujours en se rappelant l’ultime seppuku avec lequel il a décidé de terminer son parcours.
    Lorsque quelqu’un se suicide, on veut savoir pourquoi, toujours.
    Mishima personne ne saura jamais pourquoi il est allé jusqu’à une telle horreur, incompatible avec le statut intellectuel de l’écrivain de talent.
    On se souvient de lui la plupart du temps comme d’un homme ayant organisé sa fin de façon radicale et sanglante.
    Dans ce jardin, près de l’eau de l’étang, avec ce magazine consacré à Mishima, je me suis senti en relation directe avec cet univers du shakuhachi, la flûte de bambou dont les sons peuvent te déchirer le coeur comme le fil d’une lame de katana te coupe une feuille blanche en deux.

    Je pensais à cette grande solitude que la vie avait imposée à Mishima, et à ce moment suprême de solitude qu’il avait décidé de vivre entièrement pour justement échapper à cette condition qui ne lui convenait plus.

     

    Au soir, j'ai consulté une dernière fois mes mails avant de me coucher : personne ne m'avait écrit, je ne me souvenais d'aucun coup de fil, d'aucune visite, je savais que ce lundi serait fait de la même matière vide.

    Cela fera de la place pour Ingrid, qui n'est plus.


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  • Nous sommes le tout venant. Tu crois être quoi ? Je ne sais trop ce que tu crois être mais après soixante ans de vie sur la planète, je ne pense pas qu’on puisse affirmer avoir compris ce qu’on devait y faire, pourquoi on y était.

    Il y a comme une honte à être fier de soi.

    J’ai regardé les actualités à la télé et les hommes continuent à chercher à s’approprier le pouvoir sur les autres, partout. Au prix de la vie des autres, de leur liberté.
     Tombouctou libérée des djihadistes, les gens racontent comment se comportent ceux qui ont pris le pouvoir. Ils ont fait comme font tous ceux qui prennent le pouvoir dans une maison familiale, dans un couple, au travail, dans la rue : ils ont été odieux, ceux qui veulent le pouvoir et le prennent, ils sont odieux dès le départ, et parfois cela commence à l’enfance.
    J’en suis pourri des trajets en voiture, ces abrutis qui klaxonnent pour que j’aille plus vite.

    Je me suis dit :
    - Ingrid, tu es morte et je ne m’en remets pas. J’essaie de me dire que cela t’aura évité, toi qui étais si sensible au fait social et politique, l’accession de Sarkozy, que nous détestions, à la présidence, et depuis toutes ces horreurs, notamment le massacre à Charlie Hebdo, tu en aurais fait une grave dépression.
    Je me surprends à avoir envie d’assister à cette grave dépression que tu aurais faite, sachant que je t’aurais aidée vigoureusement à en revenir et à retrouver le goût de vivre heureuse.

    Cette photo sur Réseausocial   
    Un ancien de tes élèves
    Il met la photo de sa classe
    Et soudain je te vois à côté des enfants
    Avec tes cheveux blonds
    Qui sentaient si bon
    Un chemisier blanc
    Comme tu les aimais
    Et aussitôt je me souviens
    Que je n’ ai pas eu le droit
    De cesser de t’ aimer
    Ca fait de l’ amour
    Abandonné
    J’ en ai encore tout un stock
    Et ces photos le régénèrent


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