Ma fille cadette a trouvé un appartement.

Je le sais et c'est tout. J'ai réussi à avoir sa nouvelle adresse en le lui demandant.

Elle répond à mes mails mais avec trois mots ou deux ou un, chaque fois, on appelle ça le " minimum syndical".


A croire que je ne suis pas une personne de confiance ou suffisamment proche pour savoir comment est son nouvel appartement, comment elle va y emménager, et.c.

Aujourd'hui c'est la Fête des Pères. Les pères en général, même les pires, sont fêtés, on les invite, les petits-enfants sont là, tout le monde est content.
Moi : rien.

Cela m'a rendu triste, car j'ai été un père tellement gentil, " gâteau " comme on disait, avec mes deux filles que j'ai décidé que j'allais m'effacer.

De toutes façons elles m'ont gommé sans me le dire, sans le revendiquer, elles m'ont oublié ou je ne sais quoi, donc autant embrayer sur ce mouvement d'isolement et hop je m'efface. Je le fais avec chagrin, amertume, mais détermination.

S'effacer, cela consiste à embarquer sur un bateau imaginaire, à couper les amarres, à prendre par force une liberté. Mon bateau était à quai, personne n'est venu le visiter, je vais prendre le large. Et l'on aura du mal à me rattraper.

J'ai encore passé une longue journée tout seul sans signe de vie puisque ma femme travaillait.
J'ai eu un petit sms de ma fille ainée, pas grand chose.
J'ai envoyé un sms à ma fille cadette pour lui demander de me proposer une date pour que nous recevions ses deux enfants ( dont je suis le grand père ) pendant les vacances scolaires.

A la caisse de l'hypermarché, au moment où je vais payer, bang voilà un bug général des caisses qui intervient. On nous demande de laisser nos courses et de nous en aller.
Du coup j'achète à bouffer chez McDo, de la merde mais pas le choix, comme ça ma femme a pu manger avant de se rendre à son boulot.
Ma fille cadette ne répond pas à mon SMS au sujet des petits enfants que je voudrais avoir à la maison pendant quelques jours cet été.
Je l'ai à nouveau sollicitée ce matin par SMS, l'air badin, le genre : " Faut qu'on en parle au téléphone ", comme si ça allait de soi que je puisse faire un peu le grand-père.
Vu qu'elle est séparée du père de ses enfants, qu'elle est bipolaire et qu'elle a fait prendre le pli de relation inexistante entre les enfants et nous, quelque chose me dit que ça ne sera pas simple.

Ma fille cadette, qui faisait la sourde oreille aux SMS par lesquels je lui demandais, ces jours-ci,  que nous choisissions une date cet été où je pourrais prendre les deux enfants pendant une semaine cet été, m'a écrit :

" Je voudrais que tu me laisses tranquille ".

J'avoue être troublé : pourquoi cette hostilité ? Je n'ai pas eu de disputes ni rien avec elle, sauf qu'elle ne m'a plus fréquenté depuis un an au moins. Mais pour le reste, je ne comprends pas pourquoi elle semble m'en vouloir... De quoi pourrait-elle m'en vouloir ?
Si c'est la conséquence de sa bipolarité, je pense que les deux enfants ne doivent pas en subir les effets négatifs en étant privés de leur grand père.

Ce matin j'avais une sorte de boule brûlante imaginaire qui incendiait douloureusement mes tripes. Je me suis réveillé très tôt et très triste, j'ai du mal à digérer que ma fille cadette soit hostile et froide avec moi sans raison avouée.
Puis tant pis j'ai pleuré autant que je pouvais j'appelle désormais cela la klaiothérapie, par pudeur...

Ma vie m'est apparue comme si triste, si triste... Je n'en pouvais plus de pleurer, pleurer.

En plus ma femme partait au boulot de 13h à 22 h, donc je savais que je serais seul, si seul et si triste. Mais bon j'ai tenu, à cette heure je continue la mélancolie mais je continue la route.

J'échafaude plein de plans, je n'arrive pas à joindre au téléphone ma fille ainée, parfois je veux me venger de tout ce monde qui m'a confiné dans l'isolement, qui souille la mémoire d'Ingrid en m'oubliant.

Depuis ce matin j'essaie d'atteindre ma fille ainée par téléphone mais je tombe tout le temps sur son répondeur.
En fait n'étant jamais renseigné sur les plannings et les emplois du temps de mes filles, qui ne me livrent jamais rien spontanément, je ne sais quand c'est le bon moment pour les appeler.

D'autre part ça ne leur arracherait pas la peau des fesses que de m'appeler de temps en temps spontanément, mais là : je rêve....

Dès lundi je remets ça pour essayer de négocier un petit séjour de mes petits enfants à la maison, ça ne sera pas de la tarte, avec tous ces gens qui font les fuyards, qui s'écartent, qui s'effacent et qui donc m'effacent.
Cette quarantaine soft, non assumée, non déclarée, c'est un vrai désastre. J'ai attrapé des plaques à la peau, comme du champignon qui exprimerait mon stress profond. Le corps parle !

Je déteste ces longs dimanches à passer tout seul, sans voiture, toujours sans visite, sans coup de téléphone, sans mails, sans SMS, des dimanches mortifères où je m'acharne à continuer mes actions artistiques solitaires.
Je ne m'ennuie pas d'activité je m'ennuie des humains.

Je m'ennuie aussi de mes filles qui m'oublient en tous cas qui n'entretiennent pas la relation du tout, je me sens abandonné par celles que j'ai choyées enfants.

J'ai reçu ce soir un mail terriblement accablant de ma fille aînée, je m'attendais à tout sauf à ça, un mail d'une telle cruauté que je devine qu'il me faudra bien tu temps avant de retrouver mes esprits.
Elle me rend responsable de tout et me traite comme un malade mental, il y a un tel décalage entre la vision de moi qu'elle me donne et la réalité que cela fait comme un gouffre qu'elle aurait creusé entre elle et moi et que je n'avais pas vu venir.
C'est comme un mail de rupture, elle me reproche plein de choses de façon tout à fait injustifiée.
Je suis très triste, ça va être dur à supporter, cet accablement.
Je les ai tant aimées mes filles, me voici rejeté sans raison valable.Tout à coup. Violemment. Brutalement.
Il leur suffit d'en inventer.
Le mystère restera : pourquoi ce rejet ?

Quelle douleur ! quelle misère ! Ingrid serait accablée, quelle souillure de sa mémoire. La vie sans elle était dure, et maintenant ça va être la vie sans mes filles.
En fait j'aurais du me rendre compte qu'elles ne m'aimaient plus, qu'elles se détachaient de moi, mais comme je n'en vois pas la raison je n'ai pas senti le vent tourner et je ne pouvais imaginer que cet abandon ressenti soit réel.

J'ai passé la nuit blanche j'avais des flashes du temps où Ingrid vivait, troublé violemment que j'ai été par le mail que m'a envoyé ma fille ainée.
Ce mail m'a mis en chagrin, en grande peine.
Mais je sens que doucement mon esprit combatif reprend le dessus.
J'ai envoyé un mail à une association de médiation familiale.
Cela ne donnera rien mais m'a permis d'écrire à qui lit et n'est pas hostile.
J'ai l'intention d'indiquer à ma fille ainée qu'au WE prochain je dois rencontrer cette vieille amie de lycée sur la côte normande mais nous avons le projet d'aller à Rouen.

Je verrai sa réaction. Il faut que je les sorte de l'hostilité à mon égard, tant pis je vais ruser, diplomater, et.c. Le style direct, ça ne fonctionne pas, elles sont complètement égarées dans leur façon négative de me concevoir.