• Dis donc il y a des jours comme ça : tu te lèves, houla le corps entier qui fait la gueule. Une fatigue avec des douleurs : je pense rhumatismes, je pense leucémie, je pense arthrose, arthrite, et.c.

    A 62 ans on pense à tout ça et on se souvient que quand on était jeune on n'avait jamais de soucis comme celui -ci. Tout était impeccable et fonctionnait parfaitement dans ce corps merveilleux qui était le mien.

    Il n’empêche que devoir se rallonger dans cesse tellement on est épuisé alors qu’on n’a rien foutu, ça inquiète un petit peu. C’est très désagréable car j’aime continuer ce que j’ai entrepris, musique, écriture, et.c.

    Là je me suis contenté de dormir ronfler fatigué, avec des stupidités à la télé.

    Un film avec un sous-marin nucléaire soviétique dont les deux commandants s’engueulent.

    Tu voulais du passionnant, et bien non, c'était ce que j'avais à écrire pour l'instant.


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  • Pour nous, les enseignants, le mercredi n’était pas un jour d’inactivité. Nous avions des préparations à faire, des réunions pédagogiques, bref nous ne quittions pas le monde scolaire contrairement à ce que beaucoup de gens ( qui prennent les profs pour des fainéants ) imaginent.
    Nos rendez-vous chez le dentiste ou chez le médecin étaient souvent fixés le mercredi.

    J'accompagnais chaque année Ingrid, qui était à la fois ma compagne et ma collègue, dans la même école maternelle que moi,  à son examen mammaire.
    C’était à l’automne, peu après la rentrée des classes.

    Elle y allait en sifflotant et que cela était une formalité.
    Ensuite nous faisions une promenade au marché d'Y., qui se tenait chaque mercredi matin.

     Au laboratoire de radiologie, il y avait une salle d’attente avec des magazines fascistes comme « Point de Vue Images du Monde «, et  donc j’emportais toujours un livre avec moi pour ne pas avoir à feuilleter ces merdes imprimées.

     
    J’attendais Ingrid plongé dans mon bouquin passionnant et que j’étais hors du temps. Chaque fois, l'examen terminé,  elle me posait la main sur l’avant bras comme pour me réveiller et que je sentais son parfum « Shalimar « quand elle se penchait et cela voulait dire que nous pouvions nous en aller.

     Mais il y a eu cette fois où elle semblait plus longue à revenir de l’examen que d’habitude. J’ai commencé à lever le nez de mon livre pour voir si je l’apercevais.

     Il y avait un brouhaha inhabituel dans le labo, je voyais des hommes et des femmes en blouse blanche se concerter en chuchotant, j’ai même surpris des regards brefs tournés sur moi.
    J’ai vu Ingrid, de loin, aller d’une cabine de déshabillage à une autre, et j’ai en un éclair perçu sur son visage l’expression de l’inquiétude.

     Je me suis dit « Ils lui ont trouvé un cancer au sein . « et je me suis imposé d’avoir l’air insouciant pour ne pas en rajouter si cela se vérifiait.

     Tout à coup j’ai vu Ingrid sortir en pleurant du labo et j’ai alors aperçu, par la vitre de la porte d'entrée,  son dos secoué de sanglots, dehors, sur le trottoir.

     J’ai demandé aux dames du guichet d’accueil ce qu’il s’était passé. Je revois encore leurs yeux perdus de crainte. Je me souviens qu’elles m’ont répondu, la voix sombre :

    - Madame vous expliquera.

    J’ai senti mon estomac se resserrer tellement fort sur lui même que cela m’a fait mal.

    Je suis allé retrouver Ingrid au dehors qui pleurait. On lui avait découvert une tumeur au sein.
    Je lui ai dit : « Je te promets qu’au printemps tu reprendras ton jardinage . «

    ( Nous étions au début du mois d’Octobre ) et je l’ai embrassée sur le front.

    - Allons allons, pas de panique !

    Je l’ai emmenée prendre un café et l’ai bercée de paroles optimistes, calmes et rassurantes. Elle  avait décidé de n’en parler à personne dans notre entourage, ni à sa fille ni aux miennes et point non plus aux collègues. Avant Noêl elle avait affronté bravement l’opération, qui s’était déroulée au Centre Henri Becquerel de Rouen, et  plus tard elle avait bravement supporté des séances de chimiothérapie.

    L’opération n’avait quasiment pas laissé de trace, mis à part une toute petite cicatrice, et donc on ne pouvait parler de mutilation.

    Je me souviens qu’au printemps suivant, Ingrid, totalement hors de danger et de souffrance,  s’est remise à bêcher la terre de son jardin.


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  • Evidemment on n’est pas sans se dire qu’un « senior « comme ils m’appellent, ça n’aurait plus lieu d’inventer d’imaginer des choses intéressantes et nouvelles.
    On préfère le voir se concentrer sur ses bobos de vieux, comme mes rhumatismes articulaires, ça rassure et au moins il est à sa place. Le senior ça doit préparer les autres à son était de grabataire d’un avenir proche. Hier encore sur Réseausocial on amenait le mot « sénile « à mon sujet.

    J’imagine que sur le sujet « isolement «, « oubli «, abandon, tout sera raconté comme hier. Heureusement que ce journal n’est pas un roman d’aventures, justement entre autres bouquins je suis en train de me régaler avec le « Journal du Che en Bolivie «.
    J’aime bien comparer les actions simultanées de personnes aux quatre coins du monde et voici ce que j’aurais écrit dans un journal, en ce début d’aout 1967, j’avais 15 ans :

    « .... Nous allons passer la journée dans ce train qui part de Rouen pour aller en Suisse, nous conduire au chalet où sera installée notre colonie de vacances.
    Ce jour une jolie fille est venue me parler très chaleureusement, manifestement pour me faire de l’oeil, tandis que je jouais de l’harmonica pour attirer l’attention sur moi.
    - Dis donc tu joues bien de l’harmonica, toi, tu t’appelles comment ? Moi c’est Pascale, tu vas aussi à la colonie en Suisse ?
    Nous étions sur le quai en train d’attendre les moniteurs, qui feront l’appel, et nous commencions à nous repérer les uns les autres, essayant de voir s’il y aurait beaucoup de jolies filles pour les garçons, essayant de voir s’il y aurait beaucoup de jolis garçons pour les filles.... Soleil et plaisir, insouciance et sourires,  voilà ce qui est vaporisé sur cette belle journée d’été où les pré-ados que nous sommes s’apprêtent à vivre ensemble un mois sous le même toit, au milieu des montagnes de Alpes ... «

    Et pendant ce temps, le même jour,  le Che, dans la jungle de Bolivie, essayant de fomenter une révolution nationale avec une toute petite troupe de guerilleros :
    «.... Jour calme ; Miguel et Camba ont commencé à faire le chemin, mais ils n’ont fait qu’un peu plus d’un kilomètre en raison des difficultés que présentent le terrain et la végétation. Nous avons tué un poulain sauvage qui devrait nous faire de la viande pour 4/5 jours. ON a creusé des tranchées pour tendre une embuscade à l’Armée si elle venait par ici. L’idée est de le slaisser passer s’ils viennent demain ou après-demain et ne découvrent pas le campement et de leur tirer dessus ensuite.... « 

    Il avait une quarantaine d’années, moi j’étais un ado qui allait vivre ses premières expériences sexuelles maladroites et timide, à 10 000 km de la jungle de Bolivie où croupissait celui dont j’apprendrais la mort horrible et tragique peu après la rentrée des classes et dont je ferais l’un de mes héros.

    Ceci pour rappeler que l’isolement du Che devait être terrible à supporter, ceci pour rappeler que le mien, plus confortable certes mais tellement moins logique,  est très difficile à supporter aussi.
    Je pense au véritable isolement définitif des vieillards, sans famille, sans amis, avec peu de ressources, le mien est presqu’un « isolement de luxe «, même s’il est réel et lourd. 

     



    Vendredi  29  Mai  2015  (  Vers 13h30  )


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  •  

    "....J'attends tout simplement, et c'est une façon d'attendre

    qui vaut bien n'importe quelle autre façon d'attendre si l'on considère,

    selon toute attente, que toutes les attentes se valent..."

     

    ( Citation de Richard Brautigan )

    Vendredi 29  Mai  (  Vres 14h45  )


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  • Bien un réveil à l’horizontal, moins de douleurs qu’il y a deux jours, un petit soleil pâlot dans le ciel avec des nuages espacés.
    C’est un samedi, ça veut dire les gens ils vont se rassembler en groupes familiaux, les gamins pas d’école les gens pas de travail, sauf ma femme qui va bosser à son HP et moi bien sûr tout seul à partir de 13 h et jusqu’à 22 h environ.

    J’en ai parlé sur Réseausocial, c’est ça la guérilla : faire savoir de loin en loin qu’on existe mais qu’on n’existe pas. Cette situation ambigüe : tu respires ton coeur bat mais que pour toi même.
    Tant que tu vis personne ne s’intéresse à ton sort, une fois mort tout le monde se dérange aux obsèques car cela n’arrive qu’une fois et donc il n’y aura pas d’obligation de fréquentation.


    J’ai consulté ma boite-mails au réveil : rien. Ma boite à messages privésRéseausocial : rien. Mes SMS : rien. Je n’aurai pas un seul coup de téléphone, pas une seule visite.

    Ou du moins je ne m’y attends pas. Et même si j’ai un coup de fil ensuite il y aura un mois ou deux sans, s’il y a une visite ce ne pourra être que le fils de ma femme, que j’aime bien  mais qui à lui tout seul représente la seule source de visite spontanée chez nous.

    Sur Réseausocial, qui est mon seul lien palpable visible et effectif avec le monde extérieur, je donne beaucoup : articles culturels, chroniques socio-politiques, selfies, tranches de vie.
    Le résultat, question relationnel vrai, est quasi-nul. J’ai rencontré quelques personnes que j’avais connues sur ce site, nous avons pris un verre, lié amitié parfois.
    Mais si peu de monde et je ne les vois quasiment pas ou plus.

    Lorsqu’on rencontre quelqu’un le dialogue n’existe quasiment pas, les en-présences sont plein de silences de faux-samblants, de non-dits, de langue de bois, j’ai le sentiment que l’on ne peut plus se livrer ni dire le fond de notre pensée.
    Moi je le fais et moi on m’écarte, on m’évite, on m’isole.
    On ne se sent à l’aise qu’avec le superficiel être, celui qui ne va jamais mettre un pied dans ton jardin, lui-même fermé de hautes grilles infranchissables, et juste entr’ouvertes parfois.

    Nous dirons que ce que je vis est conséquent : des suites d’un grave deuil ( qui plus est d’un veuvage ), de la mise à la retraite professionnelle, du changement de région, de l’âge ( après la soixantaine on n’intéresse plus grand monde ), d’un contexte culturel d’époque ( violence, distance et froideur, concurrence les uns avec les autres ), et peut être aussi ma personnalité, particulière et atypique.

    En fait tout ce qui est écrit ici est une sorte d’échauffement avant l’épreuve d’isolement, solitude abandon que je vais devoir traverser à partir de 13 h jusqu’à 22 h comme je l’ai indiqué. Le samedi c’est plus pénible encore car tout le monde est en famille ou entre amis dans les jardins alentour et quant aux deux ou trois sur Réseausocial qui pourraient avoir l’attention attirée par mon isolement, ils sont occupés par famille, amis, chacun sa merde et moi surtout !


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  • C’est une promenade avec une petite chienne.
    Je la promène deux fois le matin deux fois l’après-midi, j’y ajoute un peu de chahut car elle aime faire semblant de se battre, puis elle court du plus vite qu’elle peut tout autour du jardin, excitée, folle, énergique, gaie et joyeuse, avant de s’écrouler épuisée et haletante, de boire de grandes lampées d’eau fraîche, puis de faire sa centième sieste.

    Je m’équipe toujours pour qu’on ait une certaine image de moi dans le quartier, avant d’emmener promener le chien : une casquette irlandaise, des lunettes de soleil ( j’en mets très souvent car j’ai des soucis avec la lumière vive ), un bâton de marche. Le bâton de marche est intermédiaire entre la canne de senior et la protection rapprochée, si un chien voulait se jeter sur Capucine, je lui en foutrais de tels coups que ça lui éclaterait les couilles.

    Voilà il y a une demi heure j’ai emmené ma chienne prendre l’air, moi ça me bouge un petit peu.
    C’est le samedi, les gens sont chez eux ( on les entend parler, on entend leurs enfants, on les voit un peu bricoler autour des maisons ), le temps est juste clair et un tout petit peu frais, comme un arrangement de Gil Evans.
    Le quartier est un ensemble de petites maisons neuves constituant un lotissement, avec bien sûr ces fantômes rieurs ou calmes devant lesquels tu pourrais mourir sans qu’ils s’en aperçoivent ou sans qu’ils fassent mine de s’en apercevoir.

    Ils sont habitués à me voir passer avec ma petite chienne, on appelerait ça une « silhouette familière «, ils ne savent rien de moi, juste que je suis un Monsieur Retraité.
    Ils savent que je suis marié , ils savent que ma femme travaille encore, car elle est dix ans plus jeune que moi, ils me voient la saluer de loin avec de grands mouvements de bras vers le ciel, lorsqu’elle s’éloigne avec la voiture pour aller travailler.

    Ils me voient, une fois la voiture disparue au coin de la rue, rentrer dans la maison, où ils me savent seul. Ils me voient, ils ne me regardent pas.

    Par exemple je me mets à écouter un live de Thélonious Monk avec Steve Lacy et Charlie Rouse, par exemple ça serait un concert de 1960 à Philadelphia, il y aurait Roy Haynes à la batterie et les musiciens seraient en forme pour d’interminables improvisations sur par exemple le morceau qui s’appelle « Straight no Chaser «.

    Et cela m’aurait replongé dans cette soirée où Ingrid et moi avions partagé cet immense plaisir d’aller assister à la première à Rouen du film « Straight no chaser «, un docu merveilleux sur Thelonious Monk, chaque fois que j’écoute ce musicien fabuleux je repense à cette soirée fabuleuse avec cette femme fabuleuse.
    Je vois toujours une sorte de tulipe blonde à l’envers, sa coiffure.
    Je vois ses lunettes très contemporaines ailes de papillon montures noires et ses yeux si grands si bleus si parfumés de lumière et de regards sensibles à la misère et à la souffrance des humains.

    Donc au bout d’un moment je ressors et je marche dans le quartier. J’entends mes pas faire crisser le gravier d’un petit chemin, je vois devant moi au bout de la laisse à enrouleur, la petite chienne noir et blanc qui trottine en faisant rebondir ses oreilles pendantes à chaque pas.

    Et voilà que je sens mon estomac se replier sur lui-même.
    Et voilà que je me sens la gorge nouée par un sanglot qui ne sortira pas.
    - Quelle misère ces promenades tout seul tout seul tout seul tout seul tout seul....

    Samedi  30  Mai  2015  (  Vers 18h40  )


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  • Dimanche il pleut, dimanche c’est aujourd’hui donc c’est aujourd’hui qu’il pleut.

    Dimanche  31  Mai  ( Vers 11h45   )

    Ma femme vient de partir à son travail, aide-soignante en HP, elle sera de retour vers 22h et donc la traversée en solitaire va se poursuivre pour moi, moi encore moi, toujours moi, l’abandon/solitude/isolement/oubli ça fait qu’on s’occupe trop de soi-même, ça pourrait rendre égoïste, narcissique, nombriliste, égocentrique...
    Ca doit le faire, j’imagine, un peu et même plus qu’un peu ?

    Mais si je ne parle pas de moi, qui le fera ?


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  • Ma fille cadette et son mari, qu'elle vient d'abandonner pour vivre avec " le meilleur ami ".

    Deux enfants ( aujourd’hui âgés je crois d’environ sept et trois ans ).
    Ils ont longtemps joué ensemble sur diverses scènes après avoir constitué un groupe de rock « punk « qui a bien fonctionné.
    Lui est Conseiller Principal d’Education dans des lycées.
    Elle est institutrice dans les écoles primaires et maternelles, mais elle a été si souvent absente à cause de sa maladie, qu’elle n’exerce presque jamais.

    La maladie doit lui donner un fort sentiment d’échec.
    Son mari l'avait toujours soutenue.

    Son nouveau compagnon, le meilleur ami de son mari,  a tout abandonné pour ma fille cadette, femme et enfants.



    C'est ma fille cadette qui m'avait annoncé la mort d'Ingrid.


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  • Prendre de la hauteur, prendre de la distance ?

    Le souci de mon isolement, de ma solitude, de l'oubli que les autres ont de moi, de l'abandon.







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